Chienqui hurle Ă la mort. Je vous explique la situation. J'ai emmĂ©nagĂ© dans un appartement il y a 4 mois et tout allait bien. Puis un voisin a suivi. Le soucis avec lui (en plus de laisser une odeur de beuh dans tout le couloir) c'est qu'il a un petit chiot, un shiba inu qui hurle Ă
Joe Biden a annoncĂ© lundi soir la mort du chef dâAl-QaĂŻda, lâEgyptien Ayman al-Zawahiri, tuĂ© dans la nuit de samedi 30 Ă dimanche 31 juillet 2022 en Afghanistan par une frappe de drone, nouveau coup portĂ© Ă lâorganisation terroriste ennemie jurĂ©e des Etats-Unis. Joe Biden a annoncĂ© lundi 1er aoĂ»t la mort du chef dâAl-QaĂŻda, Ayman al-Zawahiri, tuĂ© par une frappe amĂ©ricaine - Photo AFP PubliĂ© 2 AoĂ»t 2022 Ă 07h24 Temps de lecture 3 min Samedi, sur mes ordres, les Etats-Unis ont menĂ© Ă bien une frappe aĂ©rienne sur Kaboul, en Aghanistan, qui a tuĂ© lâĂ©mir dâAl-QaĂŻda, Ayman al-Zawahiri », a lancĂ© le prĂ©sident amĂ©ricain, qui sâexprimait depuis la Maison Blanche. Justice a Ă©tĂ© rendue et ce dirigeant terroriste nâest plus », a ajoutĂ© Joe Biden. Zawahiri Ă©tait lâun des terroristes les plus recherchĂ©s au monde et les Etats-Unis promettaient 25 millions de dollars pour tout renseignement permettant de le retrouver. Il avait pris la tĂȘte de la nĂ©buleuse jihadiste en 2011, aprĂšs la mort dâOussama Ben Laden, tuĂ© par un commando amĂ©ricain au Pakistan. Introuvable depuis plus de dix ans, il Ă©tait considĂ©rĂ© comme un des cerveaux des attentats du 11-Septembre, qui avaient fait prĂšs de morts aux Etats-Unis. DĂ©fis » Plus de 20 ans aprĂšs le 11-Septembre, les Etats-Unis ont enfin rattrapĂ© Ayman al-Zawahiri, le proche camarade et successeur dâObama Ben Laden », a commentĂ© lundi sur Twitter Thomas Joscelyn, expert du cercle de rĂ©flexion Foundation for Defense of Democracies. Bien quâil ait eu de nombreux dĂ©fauts, il nâĂ©tait pas aussi insignifiant que ne le supposaient de nombreux analystes. » HĂ©ritant en 2011 dâune organisation affaiblie, Ayman al-Zawahiri, 71 ans, avait dĂ» pour survivre multiplier les franchises » et les allĂ©geances de circonstances, de la pĂ©ninsule arabique au Maghreb, de la Somalie Ă lâAfghanistan, en Syrie et en Irak. MalgrĂ© la direction de Zawahiri âŠ, le groupe fait toujours face Ă dâimportants dĂ©fis. Dâabord, la question de savoir qui va diriger Al-QaĂŻda aprĂšs la disparition de Zawahiri », a estimĂ© Colin Clarke, chercheur au cercle de rĂ©flexion amĂ©ricain Soufan Group. Fin 2020, des sources avaient un temps donnĂ© crĂ©dit Ă des rumeurs le donnant mort dâune maladie cardiaque mais il Ă©tait rĂ©apparu ensuite dans une vidĂ©o. Et Al-QaĂŻda avait dĂ©jĂ perdu son numĂ©ro 2, Abdullah Ahmed Abdullah, tuĂ© en aoĂ»t 2020 dans les rues de TĂ©hĂ©ran par des agents israĂ©liens lors dâune mission secrĂšte commanditĂ©e par Washington, information rĂ©vĂ©lĂ©e Ă lâĂ©poque par le New York Times. Aucune victime civile » LâopĂ©ration nâa fait aucune victime civile », a prĂ©cisĂ© Joe Biden lors de son allocution. Cette annonce intervient prĂšs dâun an aprĂšs le chaotique retrait dâAfghanistan des forces amĂ©ricaines, qui avait permis aux talibans de reprendre le contrĂŽle du pays vingt ans aprĂšs. Le 3 fĂ©vrier, Joe Biden avait annoncĂ© la mort du dirigeant du groupe Etat islamique EI Abou Ibrahim al-Hachimi al-Qourachi lors dâune opĂ©ration conduite dans le nord de la Syrie. Dans une allocution tĂ©lĂ©visĂ©e, le prĂ©sident dĂ©mocrate avait mis en garde les chefs des organisations jihadistes Nous sommes Ă vos trousses. » VidĂ©o. Les 7 images marquantes du lundi 1er aoĂ»t 2022 Lire aussi Covid-19. Quel est le protocole sanitaire pour la rentrĂ©e de septembre dans les Ă©coles ? RodĂ©os urbains deux policiers blessĂ©s lors dâune interpellation en Essonne Football. Paul Pogba dĂ©nonce des tentatives dâextorsion » Ă son encontre Poursuivez votre lecture sur ces sujets Actes de terrorisme Terrorisme Fin de vie et mort Ătats-Unis Afghanistan TĂ©hĂ©ran Syrie Irak Joe Biden New York Times Company Daesh Maison Blanche A lire aussi Covid-19. Quel est le protocole sanitaire pour la rentrĂ©e de septembre dans les Ă©coles ? Le retour des astronautes sur la Lune quâest-ce que le programme ArtĂ©mis de la Nasa ? TĂ©lĂ©vision. SĂ©ries, chansons, dessins animĂ©s⊠Souvenez-vous du Club DorothĂ©e, câĂ©tait il y a 25 ans Covid-19. Va-t-on vers une 4e dose de vaccin pour tout le monde Ă lâautomne 2022 ? Devis, labels, avis⊠comment Ă©viter les arnaques quand on fait des travaux dans son logement ? Casque, trottoirs, vitesse⊠Ce qui est obligatoire ou interdit pour utiliser une trottinette Voir plus d'articlesEnse basant sur les rĂ©ponses ci-dessus, nous avons Ă©galement trouvĂ© des indices qui sont peut-ĂȘtre similaires ou en rapport avec Qui annonce la mort: Mot qui annonce souvent la propriĂ©tĂ©; une maniere d'entrer en contact qui annonce un engagement; Qui n'annonce rien de bon; Personne qui annonce un Ă©vĂ©nement futur; Qui annonce une chose Sur la page de son blog, la citation semblait suspendue La trahison, essence mĂȘme de la vie politique... » Hier, une autre phrase a Ă©tĂ© ajoutĂ©e On l'appelait le Sphinx... » Un imparfait qui informe sobrement qu'AndrĂ© LabarrĂšre, maire de Pau depuis 1971, dĂ©putĂ© des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques durant trente-quatre ans, ancien ministre de François Mitterrand, ne sera plus lĂ pour continuer son journal de bord ».Pascal Virot, LibĂ©ration, Pau a perdu son Sphinx » » 17/05/07, p. 12. 1 Voir les chiffres de lâojd disponibles Ă lâadresse 2 Jâentends par nĂ©crologies » les articles nĂ©crologiques qui paraissent dans la presse Ă lâoccasio ... 3 Ce corpus est composĂ© de quelque 500 nĂ©crologies issues de la presse française contemporaine. Le c ... 1Annoncer la mort fait partie des plus anciennes fonctions de la presse dĂšs 1716, les Affiches de Paris comportent des faire-part de dĂ©cĂšs qui prennent le relais des annonces faites par les crieurs. Ă partir de 1777, le Journal de Paris, premier quotidien français, consacre chaque jour une page Ă la rubrique enterrements et ses successeurs ont pris le relais aujourdâhui, Le Figaro et Le Monde, les deux plus grands1 quotidiens nationaux gĂ©nĂ©ralistes, continuent dâavoir une rubrique dĂ©diĂ©e aux articles nĂ©crologiques Florea, 2010a. Ainsi lâannonce du dĂ©cĂšs de personnalitĂ©s importantes est-elle une tradition solidement ancrĂ©e dans les pratiques de la presse. Et pourtant, dĂšs lors quâon y rĂ©flĂ©chit, annoncer la mort dans le journal ne va pas de soi comment faire part dâun dĂ©cĂšs entre les pages sportives et la mĂ©tĂ©o â puisque câest habituellement la place dĂ©volue Ă la rubrique nĂ©crologique ? Par ailleurs, il nâest pas aisĂ© de reprĂ©senter ce qui, par dĂ©finition, nâest plus et cette difficultĂ© sĂ©miotique se double dâune difficultĂ© mĂ©taphysique la mort est frappĂ©e dâun tabou AriĂšs, 1977 qui rend sa reprĂ©sentation problĂ©matique, et ce, notamment dans les mĂ©dias, comme nous avons pu le voir dans lâintroduction du prĂ©sent dossier Rabatel, Florea, 2011. Il sâagit donc ici de sâinterroger sur les reprĂ©sentations de la mort dans les nĂ©crologies de presse2, Ă partir dâun corpus dâarticles nĂ©crologiques issus de la presse française contemporaine3. Dans la mesure oĂč les reprĂ©sentations de la mort dĂ©passent le cadre purement linguistique et sont pĂ©nĂ©trĂ©es par les plans culturel et philosophique, lâanalyse de discours que lâon pratiquera prend rĂ©solument en compte la dimension anthropologique du langage. Nous commencerons en faisant lâinventaire des divers moyens langagiers qui permettent de dire la mort dans les nĂ©crologies. Ceci conduira Ă approfondir le lien entre nĂ©crologie et biographie si la nĂ©crologie a Ă©tymologiquement pour mission de dire la mort, elle ne parle finalement que trĂšs peu du dĂ©cĂšs, qui est rapidement occultĂ© au profit du rĂ©cit de vie cette tension entre mort et vie, entre nĂ©crologie et biographie, est en elle-mĂȘme une façon de dire la mort. La reprĂ©sentation de la mort se double alors dâune re-prĂ©sentation du mort, qui est plus quâune description dâune rĂ©alitĂ© prĂ©existante et qui contribue Ă construire une autre rĂ©alitĂ© il sâagit de mettre le disparu en prĂ©sence, de lui redonner vie par le biais du discours. 2Nous allons dans un premier temps chercher Ă dĂ©terminer par quels moyens langagiers la mort est dite dans les nĂ©crologies. Dire » peut prendre de multiples formes la mort peut ĂȘtre signifiĂ©e directement, ou exprimĂ©e implicitement, quâelle soit sous-entendue ou quâelle se dĂ©duise en creux par ce qui justement nâest pas montrĂ©. Nous nous attarderons successivement sur les indices lexicaux, syntaxiques, morphosyntaxiques et textuels qui permettent dâexprimer la mort. Indices lexicaux 3La mort se lit tout dâabord dans le lexique. De façon assez traditionnelle, on trouve des euphĂ©mismes, destinĂ©s Ă Ă©viter lâemploi du verbe mourir », qui est ainsi au cĆur de lâarticle tout en nây figurant pas directement. Il sâagit lĂ dâune forme de tabou linguistique » qui avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© dĂ©crit par Antoine Meillet 1948 281-291, dans lequel le signifiĂ© demeure, alors que le signifiant est frappĂ© dâinterdit, et contournĂ© par des expressions moins directes le sens est dit, mais le mot est tu. Il peut sâagir de pĂ©riphrases lexicalisĂ©es, comme dans les exemples 1 et 2, ou dâexpressions plus originales, comme dans lâexemple 3 4 Les exemples sont rĂ©fĂ©rencĂ©s selon le modĂšle suivant Journal, date page â nom du disparu. 1 Lâactrice italienne sâest Ă©teinte samedi Ă 84 ans 20minutes, 24/04/06 p. 30 â Alida Valli4 ; 2 Câest lâun des plus grands patrons dâindustrie française qui a disparu, hier LâĂquipe, 27/05/06 p. 18 â Ădouard Michelin ; 3 György Ligeti rejoint les nuages LibĂ©ration, 13/06/06 p. 1 â György Ligeti. 4Toutefois, lâanalyse de la sĂ©quence dâannonce de mort â que lâon retrouve systĂ©matiquement dans les nĂ©crologies, dont elle constitue gĂ©nĂ©ralement la premiĂšre phrase â, au sein dâun sous-corpus reprĂ©sentatif de 54 articles, montre que lâeuphĂ©misation nâest pas le moyen le plus courant de dire la mort, puisquâelle nâest employĂ©e que dans 15 % des cas notamment par le biais des lexĂšmes sâĂ©teindre » et disparaĂźtre ». Ătonnamment, les attĂ©nuations et contournements linguistiques ne sont donc pas la façon archĂ©typale dâannoncer la mort dans les colonnes des nĂ©crologies, et de loin, contrairement Ă ce que lâon aurait pu attendre, au vu du tabou gĂ©nĂ©ralisĂ© qui sâempare de la mort, du moins dans les sociĂ©tĂ©s occidentales. Ainsi, dans lâensemble, les moyens lexicaux pour dire la mort sont-ils assez peu dĂ©tournĂ©s la dĂ©nomination de la mort est souvent crue, par le biais des verbes mourir » et dĂ©cĂ©der » ou leurs substantifs, qui sont bien plus frĂ©quents que tout autre terme, puisque ces lexĂšmes sont retrouvĂ©s dans plus des deux tiers des sĂ©quences dâannonce de mort des nĂ©crologies. De la mĂȘme façon, la mort peut ĂȘtre dite dans la sĂ©quence dâannonce par la mention de la cause de la mort dans 10 % des cas, y compris lorsquâil ne sâagit pas dâune belle mort ». Le nĂ©crologue nâhĂ©site pas Ă Ă©voquer de façon trĂšs directe le suicide, lâassassinat ou la maladie notamment le cancer ou le sida 4 LâĂ©crivain et figure du trotskisme europĂ©en Boris Fraenkel sâest suicidĂ© Ă 85 ans en se jetant dâun pont Ă Paris La Croix, 02/05/06 p. 9 â Boris Fraenkel ; 5 Le foutu crabe » a finalement eu raison du romancier LibĂ©ration, 03/11/04 p. 33 â adg. 5LĂ oĂč lâon aurait pu sâattendre Ă un silence lourd de sens ou Ă des pĂ©riphrases destinĂ©es Ă adoucir la rĂ©alitĂ©, on voit que le nĂ©crologue nâhĂ©site pas Ă donner des dĂ©tails sur les circonstances du dĂ©cĂšs, y compris lorsquâelles sont dĂ©rangeantes. Câest dâailleurs lâoccasion de se demander ce qui peut ĂȘtre dit et ce qui doit ĂȘtre tu, et si le dĂ©cĂšs modifie la rĂ©partition entre ces deux catĂ©gories par exemple, on ne parle pas des dĂ©fauts dâun dĂ©funt, ou en tout cas pas tout de suite. Cela dit, les dĂ©tails donnĂ©s dans ces derniers exemples pourraient apparaĂźtre comme des atteintes Ă la face positive du disparu et Ă©ventuellement Ă celle de ses proches. Toutefois, ils peuvent Ă©galement ĂȘtre interprĂ©tĂ©s comme des indices de souffrance, ce que vient confirmer par exemple le cotexte du dernier exemple 5 J'ai souvent entendu dire que le cancer est une maladie longue et douloureuse. C'est surtout une maladie chiante, disait adg Ă LibĂ©ration il y a un an tout juste. Le foutu crabe a finalement eu raison du romancier, dans la nuit de lundi Ă mardi, Ă Paris ». 6On voit que la formule le foutu crabe » fait Ă©cho Ă la citation dâadg qui prĂ©cĂšde lâannonce de sa mort, introduisant une certaine complicitĂ© entre le journaliste et le disparu, qui prenait lui-mĂȘme de son vivant des libertĂ©s avec les convenances lorsquâil sâagissait dâĂ©voquer sa maladie. Cette connivence linguistique est, comme on le verra plus tard, une façon de recrĂ©er par le discours le lien entre les vivants et le mort, alors mĂȘme que les mots disent la coupure qui les sĂ©pare. Quoi quâil en soit et quelles quâen soient les raisons, ce souci des dĂ©tails des circonstances de la mort tĂ©moigne dâune façon de dire la mort qui va droit au but et ne sâencombre que rarement de contournements lexicaux. La mort se lit enfin, de façon plus implicite, dans les emprunts frĂ©quents au champ lexical de lâabsence, comme dans les exemples suivants 6 Ligeti a cessĂ© de battre LâHumanitĂ©, 13/06/06 p. 23 â György Ligeti ; 7 Les AĂŻnous restent sans voix au Japon LibĂ©ration, 10/05/06 p. 12 â Shigeru Kayano ; 8 Le Parisien » orphelin de Philippe Amaury LibĂ©ration, 25/05/06 p. 1 â Philippe Amaury. 7Le champ lexical de lâabsence est alors le signe du lien coupĂ© entre le mort et les vivants. Câest dâailleurs souvent le point de vue de ces derniers qui est mis en avant, comme dans les exemples 7 et 8, oĂč lâabsence est perçue depuis la perspective de ceux qui restent. Ainsi voit-on que le lexique comporte des implications Ă©nonciatives, puisque le choix des mots dit la rĂ©action des vivants face au dĂ©cĂšs. ProcĂ©dĂ©s syntaxiques 8Cette assimilation de la mort Ă la perte, Ă lâabsence, se poursuit dans le domaine syntaxique avec une utilisation importante de la forme nĂ©gative qui est un moyen privilĂ©giĂ© dans lâexpression du dĂ©cĂšs. LĂ encore, la forme nĂ©gative est un indice du lien coupĂ© entre les vivants et le mort, sĂ©parĂ©s par les adverbes de nĂ©gation 9 Raymond Devos ne reviendra pas saluer LibĂ©ration, 16/06/06 p. 3 â Raymond Devos ; 10 On ne le prendra plus en flagrant dĂ©lire LâHumanitĂ©, 16/06/06 p. 22 â Raymond Devos ; 11 Jojo ne suivra pas le Tour de France cet Ă©tĂ© Ă la tĂ©lĂ©vision LâHumanitĂ©, 23/05/06 p. 6 â Georges Frischmann. 9Dans ces exemples, la mort nâest donc pas dite explicitement ces Ă©noncĂ©s, hors de tout contexte, pourraient mĂȘme sâappliquer Ă des vivants. Mais en contexte, la mort se laisse lire en creux et elle se conçoit alors comme la nĂ©gation de certains gestes, de certaines attitudes dont le dĂ©funt avait pu faire preuve de son vivant. Au point que ces phrases nĂ©gatives finissent parfois â a contrario â par raconter la vie du disparu, comme câest le cas pour cette nĂ©crologie de Patrick Pierre parue dans le Figaro, rĂ©digĂ©e par celui qui fut son collĂšgue 12 Nous ne verrons plus sa silhouette de bon nounours ruisselant de pluie garer son scooter en bas du journal et lancer Ă la cantonade Beau temps pour les escargots ! » Nous ne lâentendrons plus Ă©voquer avec lâami Pierre les murs roses dâOdaĂŻpur et la petite cabane sur la plage de Goa. Il ne nous redira pas, pour la cent-uniĂšme fois, que, non, la statuette sur son ordinateur nâest pas le roi Babar mais Ganesh, la fameuse divinitĂ© hindoue Le Figaro, 22/05/06 p. 13 â Patrick Pierre. 10LĂ encore, câest en grande partie le point de vue de ceux qui restent qui est adoptĂ©, et la forme nĂ©gative se lit Ă nouveau comme un indice de la rupture entre les vivants et le mort, irrĂ©mĂ©diablement sĂ©parĂ©s par les adverbes privatifs Nous ne verrons plus sa silhouette », Nous ne lâentendrons plus ». PoussĂ©e Ă son extrĂȘme, cette utilisation de la nĂ©gation pour dire la mort aboutit Ă une rĂ©duction binaire on est, ou on nâest plus, ce qui peut donner lieu Ă des titres tels que ceux des exemples suivants, qui reviennent frĂ©quemment dans les nĂ©crologies 13 Claude PiĂ©plu nâest plus LibĂ©ration, 26/05/06 p. 26 â Claude PiĂ©plu ; 14 Le combattant de lâinsolence nâest plus Le Figaro, 22/05/06 p. 13 â Christophe de Ponfilly. 11ĂlĂ©gante formule pour dire le nĂ©ant, la fin de la vie. La coupure y est renforcĂ©e par le fait que la nĂ©gation, en plus dâĂȘtre absolue, porte dans ces exemples sur le titre ainsi la rupture est-elle signifiĂ©e et mise en valeur dâentrĂ©e de jeu. Marqueurs morphosyntaxiques 12Dans les nĂ©crologies, la mort est Ă©galement dite par des moyens morphosyntaxiques, notamment dans lâexpression du temps, et en premier lieu par le biais de lâemploi de temps du passĂ© 15 Sur la page de son blog, la citation semblait suspendue La trahison, essence mĂȘme de la vie politique... » Hier, une autre phrase a Ă©tĂ© ajoutĂ©e On l'appelait le Sphinx... » Un imparfait qui informe sobrement qu'AndrĂ© LabarrĂšre, maire de Pau depuis 1971, dĂ©putĂ© des PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques durant trente-quatre ans, ancien ministre de François Mitterrand, ne sera plus lĂ pour continuer son journal de bord LibĂ©ration, 17/05/07 p. 12 â AndrĂ© LabarrĂšre. 13Dans ce passage de la nĂ©crologie dâAndrĂ© LabarrĂšre, le journaliste commente lâemploi de lâimparfait sur la phrase qui a Ă©tĂ© rajoutĂ©e sur le blog du disparu pour annoncer sa mort on constate lâĂ©quivalence entre cet imparfait et lâemploi du futur associĂ© Ă la nĂ©gation privative dans ne sera plus là », sur le modĂšle de ce que lâon vient dâĂ©tudier, les deux Ă©tant donnĂ©s comme deux façons synonymes de dire la mort. Tous les temps du passĂ© peuvent ĂȘtre convoquĂ©s pour informer du dĂ©cĂšs 16 Câest lâun des plus grands patrons dâindustrie française qui a disparu, hier. Ă quarante-trois ans, Ădouard Michelin Ă©tait Ă la tĂȘte du premier groupe mondial de fabricant de pneumatiques. Il avait pris la suite de son pĂšre en 1999 LâĂquipe, 27/05/06 p. 18 â Ădouard Michelin ; 17 Lâhomme qui fut le conseiller de tous les prĂ©sidents [âŠ] et qui fut lâun des piliers de lâuniversitĂ© [âŠ] laisse derriĂšre lui une impressionnante liste de trente-trois ouvrages Ă©conomiques Le Figaro, 02/05/06 p. 18 â John Galbraith. 14Les temps employĂ©s vont du passĂ© composĂ© a disparu » Ă lâimparfait Ă©tait », du plus-que-parfait avait pris » au passĂ© simple fut » dire la vie au passĂ© informe donc de la mort prĂ©sente. 15Câest Ă©galement par lâaspect des verbes que la mort est dite. On observe un emploi important des temps composĂ©s qui, par la valeur dâaccompli quâils apportent au procĂšs quâils dĂ©crivent, signifient eux aussi la mort, Ă leur façon, et ce, quel que soit le temps, quâil sâagisse du plus-que-parfait exemple 18 ou, de façon plus inattendue, du futur antĂ©rieur exemple 19 18 Jeudi dernier, [Vincent de Swarte] avait mis la derniĂšre main Ă son prochain livre Le Figaro â SupplĂ©ment littĂ©raire, 27/04/06 p. 2 â Vincent de Swarte ; 19 Karel Appel aura Ă©tĂ© un extraordinaire artiste Ă rebonds et reprises LibĂ©ration, 06/05/06 p. 31 â Karel Appel. 16Dâailleurs, on peut noter quâen français, les diffĂ©rents termes qui dĂ©signent le mort sont justement des participes passĂ©s substantivĂ©s, comme si cette valeur aspectuelle dâaccompli Ă©tait la mieux Ă mĂȘme de dire, en langue, ce qui nâest plus. Câest le cas pour mort », pour disparu », ou encore pour dĂ©funt », de par son origine du latin defunctus, participe passĂ© de defungi, comme le souligne cet extrait dâun dictionnaire du XIXe siĂšcle qui attire notre attention sur lâadĂ©quation entre lâorigine du mot et sa signification Câest une excellente idĂ©e que celle de dĂ©funt. Ce mot signifie, Ă la lettre, qui sâest acquittĂ© de la vie. De fungi, sâacquitter dâune charge, faire une fonction, fournir une carriĂšre, remplir sa destination ou son devoir. Defungi dĂ©signe proprement lâaction dâachever sa charge, de terminer sa carriĂšre, de consommer sa destinĂ©e, mais surtout celle de se dĂ©livrer dâun onĂ©reux fardeau. La charge de lâhomme, sa charge par excellence, câest la vie ; le dĂ©funt sâen est acquittĂ© » Guizot, 1809 948. 17De plus, lâordre dans lequel les temps apparaissent dans lâarticle nâest pas anodin, comme le montre lâanalyse du premier paragraphe de la nĂ©crologie de Patrick Pierre dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e ci-dessus 12 Nous ne verrons plus sa silhouette de bon nounours ruisselant de pluie garer son scooter en bas du journal et lancer Ă la cantonade Beau temps pour les escargots ! ». Nous ne lâentendrons plus Ă©voquer avec lâami Pierre les murs roses dâOdaĂŻpur et la petite cabane sur la plage de Goa. Il ne nous redira pas, pour la cent-uniĂšme fois, que, non, la statuette sur son ordinateur nâest pas le roi Babar mais Ganesh, la fameuse divinitĂ© hindoue. Il avait 54 ans, dont vingt-deux passĂ©s au Figaro. Il Ă©tait nĂ© au Cambodge, il avait grandi en Afrique. Il aimait Mozart, les Rolling Stones et le roman amĂ©ricain. Patrick Pierre a posĂ© le typomĂštre et ce portemine en mĂ©tal d'oĂč sont sorties tant et tant de pages du Figaro. Comment allons-nous boucler sans lui ? 18En premier lieu vient le futur, signe de la souffrance du manque, premiĂšre rĂ©action au dĂ©cĂšs. On se souvient que lâemploi de la forme nĂ©gative pour dire la mort porte souvent sur le titre, ou du moins sur le dĂ©but de lâarticle le fonctionnement est identique ici pour le futur qui signifie dâentrĂ©e de jeu la douleur de la rupture. AprĂšs le futur viennent les temps du passĂ© dâabord un imparfait qui nous place dans un passĂ© proche, le passĂ© du moment du dĂ©cĂšs, un passĂ© qui sâest interrompu dâun coup avec la mort, tranchant avec la valeur commentative traditionnelle de lâimparfait. Puis un retour en arriĂšre, avec des temps composĂ©s qui racontent la vie, en se rapprochant de plus en plus du moment prĂ©sent on passe ainsi du plus-que-parfait Ă©tait nĂ© », avait grandi », signe dâun passĂ© rĂ©volu, au passĂ© composĂ© a posĂ© », sont sorties », plus directement articulĂ© au prĂ©sent, et qui se perpĂ©tue mĂȘme encore aujourdâhui, comme en tĂ©moigne la suite de lâarticle, qui montre Ă quel point le disparu a imprimĂ© sa marque au journal. Revient enfin le futur proche allons boucler », donnant lâimpression que la douleur du manque se fait ressentir par vagues. 19Dans cet exemple, la mort est dite essentiellement par deux moyens complĂ©mentaires dâune part, les temps du passĂ©, qui placent la vie du disparu dans une antĂ©rioritĂ© rĂ©voquĂ©e et, dâautre part, le futur, dans les deux passages qui encadrent le paragraphe. Si lâemploi de temps du passĂ© est, comme on lâa vu, un moyen classique de dire la mort, en revanche le recours au futur a de quoi Ă©tonner tout dâabord parce quâil sâagit dâun rĂ©cit, or comme le rappelle Jacques Bres 2009 198 dans un article sur le futur dans la textualitĂ© narrative, dans un rĂ©cit, le savoir du narrateur [âŠ] ne peut guĂšre sâappliquer quâĂ un fait qui sâest passĂ©, câest-Ă -dire Ă un Ă©vĂ©nement Ă narrer antĂ©rieur Ă lâacte narratif ». Mais aussi parce que le rĂ©cit qui sous-tend la nĂ©crologie ne peut se dĂ©ployer vers lâavenir, il est irrĂ©vocablement bloquĂ© dans le passĂ©, du fait de la mort de son protagoniste. Et pourtant, ce futur revient rĂ©guliĂšrement dans les nĂ©crologies, semblant dĂ©fier la classique rĂ©trospectivitĂ© de la narration, et qui plus est de la narration nĂ©crologique. Or, si lâon observe prĂ©cisĂ©ment les diffĂ©rentes occurrences de futur dans ce passage, on voit que ce temps est associĂ© soit Ă la forme nĂ©gative comme dans la premiĂšre sĂ©rie de futurs nous ne verrons plus », nous ne lâentendrons plus », il ne nous redira pas », ou comme dans les exemples 9 Ă 11 Ă©tudiĂ©s plus haut, soit Ă la modalitĂ© interrogative Comment allons-nous boucler sans lui ? ». Cette association entre lâutilisation dâun temps par lequel lâauteur se projette dans lâavenir, et la nĂ©gation ou lâinterrogation illustre une tension fondamentale dans les nĂ©crologies en utilisant le futur, lâauteur voudrait faire comme si le mort Ă©tait encore en vie, comme sâil y avait encore un avenir possible, en Ă©voquant la vie Ă partir dâun point de rĂ©fĂ©rence ancrĂ© dans le passĂ©. Dans le mĂȘme temps, la nĂ©gation et lâinterrogation sont ancrĂ©es dans le prĂ©sent dâĂ©nonciation et indiquent combien cet envisagement de lâĂ©vĂšnement est tiraillĂ© entre des valeurs contradictoires le sentiment illusoire de vouloir arrĂȘter le temps et revenir en arriĂšre, et la conscience que câest impossible. Ainsi la diversitĂ© des valeurs temporelles et aspectuelles souligne-t-elle une tension entre vie et mort qui sous-tend lâensemble de la nĂ©crologie. StratĂ©gies sĂ©mio-discursives 20Pour finir, ce sont des procĂ©dĂ©s sĂ©mio-discursifs qui sont Ă lâĆuvre pour dire la mort. En effet, la nĂ©crologie Ă©tant insĂ©rĂ©e dans le journal, diverses informations permettent dâemblĂ©e au lecteur de savoir Ă quel genre de discours elle appartient, orientant ainsi son interprĂ©tation avant mĂȘme la lecture du texte. Câest le cas des surtitres qui surplombent parfois lâarticle DĂ©cĂšs », Disparition » ou encore NĂ©crologie » voir lâexemple 20, ainsi que des indications de rubriques, telles Disparitions » dans Le Monde voir lâexemple 21, ou Deuils » dans Le Figaro. 20 Les Ăchos, 17/05/06 p. 10 â Jean-Pierre Neu. 21 Le Monde, 25/04/06 p. 33. 5 La piĂštre qualitĂ© des reproductions ne leur permet pas dâassurer la lisibilitĂ© du texte mais le bu ... 6 Dans son Ă©tude sur les faire-part nĂ©crologiques, G. Ringlet 1992 374-375 soulignait Ă quel poi ... 21Ici5, les indications NĂ©crologie » et Disparitions », placĂ©es avant le corps de lâarticle, informent dĂ©jĂ le lecteur que la personne dont lâarticle fait lâĂ©loge est dĂ©cĂ©dĂ©e. Dâailleurs, il est Ă noter que, contrairement Ă ce que lâon avait observĂ© dans la sĂ©quence dâannonce de mort qui ouvre habituellement la nĂ©crologie, ces Ă©lĂ©ments de titraille ou de rubricage sont frĂ©quemment euphĂ©misĂ©s cela tend Ă montrer que si lâattĂ©nuation lexicale est quantitativement rare, elle est nĂ©anmoins qualitativement Ă des endroits stratĂ©giques. La disposition du texte peut, elle aussi, jouer un rĂŽle â toutefois plus marginal â dans lâannonce de la mort, comme dans cette Une du journal PrĂ©sent qui, par sa forme rectangulaire, redoublĂ©e par le dessin en son centre et par lâencadrĂ© noir qui entoure la page, ressemble Ă un faire-part de dĂ©cĂšs, voire Ă un tombeau6, montrant ainsi la mort par des moyens non langagiers. 22 PrĂ©sent, 13/06/06 p. 1 â Georges-Paul Wagner. 22Ici, la mort nâest pas dite telle quelle par des moyens linguistiques, elle est exprimĂ©e indirectement, sous-entendue par le dessin qui prĂ©suppose que Georges-Paul Wagner est dĂ©jĂ mort puisque ses compagnons lui disent adieu. La rupture est manifestĂ©e ici par le biais dâindices iconiques la porte qui ouvre dâun monde vers lâautre, le contraste entre le noir dâici-bas et le blanc de lâau-delĂ . Toutefois, lĂ encore, mĂȘme si le dessin et la mise en page disent la mort, la scĂ©nographie montre que ce sont les vivants qui sâhonorent de dire la mort et de continuer la vie, et lâadieu se dĂ©double entre celui qui dit adieu en allant Ă Dieu, et ceux qui lui disent adieu tout en allant vers la vie. 23Ainsi, les moyens utilisĂ©s dans les nĂ©crologies pour dire la mort sont-ils trĂšs divers la sĂ©quence informative de lâannonce de la mort qui ouvre la nĂ©crologie dit gĂ©nĂ©ralement la mort dans des termes crus et de façon trĂšs directe. Mais la mort se lit aussi dans le reste de la nĂ©crologie, notamment dans la titraille, dans le corps du texte, dans la mise en page, dans les illustrations, et la mort y est alors habituellement signifiĂ©e de façon implicite la nĂ©crologie abonde de marqueurs lexicaux, morphosyntaxiques, discursifs, iconiques, qui â chacun dans leur domaine â reprĂ©sentent la rupture entre le monde des vivants et celui des morts, le lien coupĂ© entre celui qui part et ceux qui restent, et malgrĂ© cela le besoin de continuer sous une forme ou sous une autre. Ăcrire la vie 7 Dire la mort, ou bien dire le mort, voire faire lâĂ©loge du mort lâĂ©tymologie nâest pas tranchĂ©e, ... 24Câest Ă lâautre versant de cette tension entre la vie et la mort qui sous-tend les nĂ©crologies que lâon va maintenant sâintĂ©resser. En effet, lâannonce de la mort semble ne pouvoir se faire sans le rĂ©cit de vie, comme sâil nâĂ©tait acceptable de parler de la mort quâĂ condition de parler aussi de la vie. La nĂ©crologie, qui a Ă©tymologiquement pour mission de dire la mort7, devient alors biographie, rĂ©cit de vie. Biographie 25Dans la nĂ©crologie, ce rĂ©cit de vie prend une place bien plus importante que lâannonce de la mort, comme nous le montrent plusieurs indices concordants dans divers domaines que lâon Ă©tudiera successivement du point de vue du volume et de lâordre des passages consacrĂ©s respectivement Ă lâannonce de la mort et au rĂ©cit de vie, du point de vue de la progression thĂ©matique du texte, et enfin du point de vue de la focalisation Ă©nonciative. Cette primautĂ© du rĂ©cit de vie sur lâannonce de la mort se lit dâabord dans le volume textuel allouĂ© Ă ces deux passages dans presque toutes les nĂ©crologies, lâannonce de la mort couvre uniquement le premier paragraphe, dans lequel la mort est dite sous la forme que lâon a Ă©tudiĂ©e plus haut. Le rĂ©cit de vie quant Ă lui occupe tout le reste de lâarticle soit habituellement deux ou trois colonnes. Ainsi, voit-on que le volume respectif de ces deux passages est trĂšs dĂ©sĂ©quilibrĂ©, le rĂ©cit de vie comptant en moyenne pour 90 % du volume textuel de la nĂ©crologie. On note dâailleurs une inversion des contenus par rapport Ă lâordre chronologique que lâon aurait pu attendre dans le dĂ©roulement des faits, la mort arrive logiquement Ă la fin de la vie. Or, dans la nĂ©crologie, la mort est systĂ©matiquement dite en premier, ce qui permet de vite en balayer la nouvelle, pour se concentrer sur la biographie. 26Les analyses prĂ©cĂ©dentes â qui montrent que lâannonce de la mort devient parfois secondaire â sont confirmĂ©es par lâĂ©tude de la progression thĂ©matique des nĂ©crologies dans un certain nombre dâarticles certes minoritaires, mais pas anecdotiques non plus, puisque le phĂ©nomĂšne se retrouve dans une trentaine dâarticles du corpus, la position syntaxique de la sĂ©quence dâannonce de la mort la met en retrait par rapport Ă lâossature principale de la phrase dans laquelle elle survient 23 Beaucoup de ceux qui aiment les textes Ă©rotiques sans vulgaritĂ© ont lu La nĂ©gresse muette [âŠ]. Parfois sans mĂȘme retenir le nom de son auteur, car Michel Bernard, qui est mort d'un cancer jeudi 28 octobre Ă Paris, Ă l'Ăąge de 70 ans, avait refusĂ©, en dĂ©pit de ce succĂšs, de se spĂ©cialiser dans la littĂ©rature Ă©rotique » Le Monde, 02/11/04 p. 30 â Michel Bernard ; 24 Jacques Cellard, qui est mort jeudi 11 novembre Ă l'Ăąge de 84 ans, a Ă©tĂ©, de 1971 Ă 1985, le chroniqueur, au Monde, de La vie du langage » Le Monde, 14/11/04 p. 19 â Jacques Cellard ; 25 AcquĂ©rir Ă bon marchĂ© et vendre cher [âŠ] », avait rĂ©sumĂ© The Economist lors de la retraite de l'industriel britannique Lord James Hanson, mort lundi 1er novembre d'un cancer, Ă l'Ăąge de 82 ans Le Monde, 06/11/04 p. 2 â James Hanson. 27Dans les exemples 23 et 24, lâannonce de la mort apparaĂźt sous la forme dâune proposition subordonnĂ©e relative Ă valeur explicative, et dans lâexemple 25, sous forme dâun syntagme adjectival, Ă©pithĂšte dĂ©tachĂ© de Lord James Hanson » dans ces trois exemples, le message est donc bien en retrait par rapport Ă la structure prĂ©dicative de la proposition principale. Lâannonce de la mort est relĂ©guĂ©e dans le thĂšme de la phrase, alors quâon se serait attendu Ă la trouver dans le rhĂšme, dans lâinformation nouvelle apportĂ©e par la phrase, ce qui montre bien que le but de lâarticle est la rĂ©trospective, et non lâannonce de la mort en soi. Lâexemple 26 fonctionne de maniĂšre un peu diffĂ©rente mais les effets sont identiques 26 Câest un homme dâesprit, un homme de cĆur, un homme aimable qui disparaĂźt » Le Monde, 17/06/06 p. 32 â Raymond Devos. 28En lâoccurrence, la focalisation par le prĂ©sentatif câest⊠qui » permet une inversion thĂ©matique les qualitĂ©s du dĂ©funt qui sont mises en relief par la structure clivĂ©e deviennent lâinformation capitale de lâĂ©noncĂ©, lâannonce de la mort Ă©tant dĂ©portĂ©e dans le thĂšme et donc supposĂ©e connue. Ainsi, ce sur quoi lâĂ©noncĂ© focalise, ce nâest pas la mort, mais le vivant que le disparu a Ă©tĂ©. Par consĂ©quent, lâannonce de la mort peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans ces exemples, au vu de leur structure syntaxique, comme une information de second plan, un point de dĂ©part impulsant le rĂ©cit de vie. Il sâagit alors presque dâun prĂ©texte, au sens figurĂ© comme au sens littĂ©ral et Ă©tymologique, puisque câest aussi un prĂ©-texte, un Ă©vĂ©nement dĂ©jĂ connu la nĂ©crologie nâest dĂšs lors pas tant une annonce quâun monument » Ă©rigĂ© en hommage au disparu, un moment de cĂ©lĂ©bration qui suit lâannonce. Enfin, cette focalisation sur la vie se retrouve dans le point de vue souvent adoptĂ© par le journaliste si lâon reprĂ©sente le dĂ©roulement du temps par un axe figure 1, sur lequel on place la vie du personnage racontĂ©e par la nĂ©crologie, entre les deux bornes que sont la naissance et la mort, on peut positionner le moment de lâĂ©nonciation juste aprĂšs la fin de la vie. Figure 1 Ănonciation dans les nĂ©crologies. 29On aurait pu supposer que ce soit Ă partir de ce moment de lâĂ©nonciation que le journaliste ait choisi dâobserver et de raconter la vie du disparu. Mais souvent, ce point focal depuis lequel la vie est observĂ©e est dĂ©placĂ© Ă un moment de la vie du personnage, lâĂ©nonciateur adoptant empathiquement le point de vue du disparu au cours de sa vie. Câest le cas dans lâexemple 27 27 Billy Preston est alors loin dâimaginer que, quelques annĂ©es plus tard, il crĂ©era pour les Fab Four le son unique de Get Back » LibĂ©ration, 08/06/06 p. 33 â Billy Preston. 30Le alors » de lâĂ©noncĂ© reprĂ©sente lâannĂ©e 1962, oĂč Billy Preston se produit en concert Ă Hambourg. Câest Ă partir de ce repĂšre temporel que sont organisĂ©s les temps verbaux, le prĂ©sent de est » et le futur de crĂ©era ». Le fonctionnement temporel est le mĂȘme dans les exemples 28 et 29 28 Il dĂ©couvrira bientĂŽt que le sang conserve en outre, par ses caractĂšres innĂ©s, la trace de nos origines » Le Monde, 22/04/06 p. 26 â Jean Bernard ; 29 Pierre Tabatoni appartient dĂ©sormais Ă ce petit groupe dâuniversitaires qui sâefforcent de moderniser nos institutions » Le Monde, 21/04/06 p. 27 â Pierre Tabatoni. 31En 28, le journaliste se permet une prolepse narrative autorisĂ©e par la connaissance que lui a de lâ aprĂšs », Ă©tant donnĂ© que le lieu de lâĂ©nonciation est postĂ©rieur Ă la mort du personnage, ce qui lui donne une vision surplombante de lâensemble de sa vie, mais lâemploi du futur, redoublĂ© par lâadverbe temporel bientĂŽt », indique que le point focal depuis lequel la vie est considĂ©rĂ©e est bien positionnĂ© pendant la vie elle-mĂȘme. En 29, la lecture du dĂ©but de la phrase permet dâenvisager une suite du type Pierre Tabatoni appartient dĂ©sormais Ă ce petit groupe dâuniversitaires qui se sont efforcĂ©s de modifier nos institutions ». Mais lâemploi du prĂ©sent dans la subordonnĂ©e, et non du passĂ© composĂ© ou du passĂ© simple auquel on se serait attendu, contraint Ă modifier notre lecture du dĂ©but de la phrase le dĂ©sormais » reprĂ©sente non pas le moment de lâĂ©nonciation, mais bien le point focal depuis lequel la narration est opĂ©rĂ©e, et pourrait ĂȘtre paraphrasĂ© non pas par maintenant quâil est mort » mais par aprĂšs avoir passĂ© une annĂ©e Ă Harvard » Ă©vĂ©nement qui est mentionnĂ© dans lâarticle immĂ©diatement avant le texte de lâexemple citĂ©. Dans ces trois exemples 27-29, significatifs du fonctionnement des nĂ©crologies, lâĂ©nonciateur observe rĂ©solument la vie du disparu depuis la vie elle-mĂȘme, dĂ©laissant le point de vue rĂ©trospectif permis par sa position Ă©nonciative sur lâaxe temporel. Cela permet de recentrer la nĂ©crologie sur la vie du disparu, la mort Ă©tant relĂ©guĂ©e vers un futur lointain qui, dâailleurs, nâest quasiment jamais Ă©voquĂ© le rĂ©cit se dĂ©roule gĂ©nĂ©ralement dans lâordre chronologique, mais il sâarrĂȘte avant la fin », puisquâil ne sâachĂšve quâexceptionnellement par la mort du personnage. De plus, en se replaçant en des points du passĂ© et en envisageant le futur Ă partir de moments de la vie du disparu, lâĂ©nonciateur se livre Ă une lecture empathique qui, au plan Ă©nonciatif, est le signe dâun partage de lâexpĂ©rience et des valeurs entre le mort et le vivant qui revit en osmose la vie du mort. 32Cette primautĂ© de la biographie, qui prend le pas de diverses façons sur lâannonce de la mort, sâexplique par deux raisons principales. Dâabord, le rĂ©cit de vie sert en quelque sorte Ă lĂ©gitimer lâannonce de la mort le rĂ©cit de vie montre Ă quel point le disparu Ă©tait un personnage hors du commun, ce qui donne du sens Ă lâannonce de sa mort, puisque ce nâĂ©tait pas nâimporte qui ». Mais cette place dĂ©volue au rĂ©cit de vie dans la nĂ©crologie tĂ©moigne aussi probablement de lâimpossibilitĂ© Ă dire la mort sans parler de la vie il nâest pas acceptable de dire quâuntel est mort sans ajouter quâil a vĂ©cu, et mĂȘme bien vĂ©cu. Un tout signifiant 33Toutefois, ce lien indissoluble entre mort et vie peut ĂȘtre retournĂ© nous avons vu quâil Ă©tait impossible de dire la mort sans parler de la vie, mais inversement, la vie ne prend tout son sens que parce que la mort a eu lieu. La mort joue en effet le rĂŽle de clĂŽture du sens elle permet dâapprĂ©hender la vie dans son ensemble, dâaccĂ©der Ă un rapport global au sens. Et câest cette clĂŽture de sens qui permet de poser un regard nouveau sur la vie une fois cette totalitĂ© signifiante constituĂ©e, il est possible de la relire dans son ensemble, de lui donner sa pleine signification, de la percevoir comme une destinĂ©e. Câest donc la mort qui permet de donner une orientation unique Ă lâhĂ©tĂ©rogĂšne, Ă©lĂ©ment qui permet, comme le suggĂ©rait Paul RicĆur 1983, de donner corps au rĂ©cit. La mort donne aussi du sens Ă la vie parce que souvent on meurt comme on a vĂ©cu. Ceci est valable en premier lieu pour la mort rĂ©elle » les journalistes se plaisent Ă souligner que le disparu est dĂ©cĂ©dĂ© en se livrant Ă son activitĂ© favorite 30 Le copilote Henri Magne dĂ©cĂšde en course » 20minutes, 06/06/06 p. 23 â Henri Magne ; 31 Son bĂąton de pĂšlerin [âŠ], qu'il avait une fois encore Ă la main, au moment oĂč la mort est venue le faucher en Ăgypte, terre biblique⊠» La Croix, 19/11/04 p. 18 â Jean Potin. 34Mais câest Ă©galement valable pour la mort mĂ©diatique », autrement dit pour la façon dont la mort est annoncĂ©e dans le journal 32 Ligeti a cessĂ© de battre » LâHumanitĂ©, 13/06/06 p. 23 â György Ligeti. 35Dans ce titre de la nĂ©crologie de György Ligeti, la façon de dire la mort se veut parallĂšle Ă la vie du dĂ©funt, en lâoccurrence Ă une de ses Ćuvres majeures, PoĂšme pour cent mĂ©tronomes, dans laquelle cent mĂ©tronomes cessent de battre, les uns aprĂšs les autres. En soulignant, dans la façon mĂȘme de dire la mort, le rapport entre la mort et la vie du disparu, le journaliste donne un sens Ă la vie comme Ă la mort. Re-prĂ©senter le mort 36Cette tension entre la vie et la mort, dont on vient dâĂ©tudier successivement les deux versants, la nĂ©crologie tente de la dĂ©passer, en re-prĂ©sentant le mort, au sens propre, câest-Ă -dire en le mettant en prĂ©sence, le faisant ainsi accĂ©der Ă une certaine forme dâimmortalitĂ©. Cette re-prĂ©sentation se fait par le biais de deux mouvements complĂ©mentaires, que lâon Ă©tudiera successivement elle est Ă la fois passive â et il sâagit alors dâentretenir lâhĂ©ritage du disparu et de le faire passer Ă la postĂ©ritĂ© â et active â la nĂ©crologie vise alors Ă redonner corps au dĂ©funt par le biais du discours. HĂ©ritage 37 Devos ne nous redira plus rien de nouveau, mais ce quâil laisse est suffisant », nous dit Bruno Frappat dans lâĂ©ditorial que La Croix 16/06/06 pp. 1-2 consacre Ă la mort de Raymond Devos. La formule est reprĂ©sentative du fonctionnement des nĂ©crologies aprĂšs avoir fait part de lâabsence, de façon assez classique, comme on lâa dĂ©jĂ vu, par lâassociation du futur et de la forme nĂ©gative, le nĂ©crologue se tourne vers ce que nous laisse le dĂ©funt. De façon gĂ©nĂ©rale, les nĂ©crologies portent une attention toute particuliĂšre Ă lâhĂ©ritage au sens large du terme du disparu, Ă ce quâil reste de lui par-delĂ sa mort il sâagit alors, selon la formule bourdieusienne, dâ hĂ©riter lâhĂ©ritage », de sâapproprier ce que le disparu laisse par-delĂ sa mort. Les nĂ©crologies sont ainsi souvent lâoccasion de faire lâinventaire de ce que le dĂ©funt laisse Ă la postĂ©ritĂ©, notamment sous forme de listes biblio-, filmo- ou discographiques 33 FilmographieShohei Imamura a rĂ©alisĂ© vingt-six films dont DĂ©sir volĂ© 1958. Lâhistoire dâune troupe dâacteurs inassouvi 1958. Un groupe dâhommes tente de rĂ©cupĂ©rer un stock de morphine cachĂ© avant la et cuirassĂ©s 1960. Film antiamĂ©ricain, avec guerre de gangs entre yakuzas Le Monde, 01/06/06 p. 29 â Shohei Imamura. 38Câest de façon plus gĂ©nĂ©rale lâĆuvre du dĂ©funt qui est mentionnĂ©e 34 De lâessaim sonore des Ramifications 1968-1969 Ă la machine folle quâest Continuum 1969, [âŠ], Ligeti marque donc de son empreinte de microchirurgien du son la polyphonie industrieuse de ses compositions » Le Monde, 14/06/06 p. 30 â György Ligeti ; 35 Une trentaine de longs mĂ©trages, cinq compagnes-Ă©pouses, deux filles, Philippe de Broca [âŠ] s'Ă©clipse Ă 71 ans » LibĂ©ration, 29/11/04 p. 36 â Philippe de Broca. 39Dans lâexemple 35, au-delĂ du caractĂšre savoureux de lâaccumulation hĂ©tĂ©roclite, lâĂ©numĂ©ration sous forme de bilan chiffrĂ© permet de lister ce qui reste une fois le personnage dĂ©cĂ©dĂ©. De mĂȘme, dans lâexemple suivant, le journaliste mentionne que Jean Bernard a laissĂ© son nom Ă une maladie quâil a dĂ©couverte 36 Mais si câest surtout dans le domaine des leucĂ©mies que lâhĂ©matologue sâest illustrĂ©, câest une autre maladie sanguine qui porte son nom. Le syndrome de Bernard et Soulier un de ses collaborateurs est une atteinte hĂ©rĂ©ditaire des plaquettes » LibĂ©ration, 22/04/06 p. 13 â Jean Bernard. 40Ainsi, mĂȘme au delĂ de la mort, lâĆuvre du disparu permettra-t-elle de sauver de nouveaux malades. Cette prĂ©occupation de la postĂ©ritĂ© du dĂ©funt se retrouve dans le champ lexical de la permanence, particuliĂšrement reprĂ©sentĂ© dans les nĂ©crologies, notamment par le biais du diptyque rester » / laisser » 37 Pierre Bettencourt laisse une Ćuvre foisonnante et remarquable Le Monde, 19/04/06 p. 27 â Pierre Bettencourt ; 38 Forte dâune trentaine de titres [...], son Ćuvre restera celle dâun tĂ©moin de la dĂ©colonisation » LibĂ©ration, 02/05/06 p. 30 â Pram. 41La mention de lâhĂ©ritage est dâailleurs une figure tellement ancrĂ©e dans la nĂ©crologie quâelle peut donner lieu Ă un retournement satirique, comme dans lâexemple suivant 39 Ădouard Michelin, patron de lâentreprise, est mort noyĂ©. Les restructurations restent LâHumanitĂ©, 29/05/06 p. 11 â Ădouard Michelin. 42Dans cet exemple, on retrouve la double sĂ©quence caractĂ©ristique des nĂ©crologies annonce de la mort Ădouard Michelin, patron de lâentreprise, est mort noyĂ© » et mention de lâhĂ©ritage Les restructurations restent », mais cet hĂ©ritage, contrairement aux habitudes du genre, est nĂ©gatif. Un tel renversement nâest possible que dans la mesure oĂč cette mention de lâhĂ©ritage est une pratique trĂšs routiniĂšre de la nĂ©crologie. 43Cet intĂ©rĂȘt portĂ© par le nĂ©crologue Ă ce qui reste du dĂ©funt aprĂšs son dĂ©cĂšs est enfin illustrĂ© par une orientation originale donnĂ©e au portrait qui est dressĂ© du disparu dans la nĂ©crologie. Habituellement, un portrait se rĂ©partit entre la description de traits physiques et la description de traits de caractĂšre. Or, dans les nĂ©crologies, la description gomme en trĂšs grande partie les traits physiques vouĂ©s Ă disparaĂźtre avec la mort du personnage au profit des traits de caractĂšre qui, eux, restent Ă jamais. Ce qui est dĂ©crit dans les nĂ©crologies, câest donc ce qui perdure au-delĂ de la mort. Toutefois, il arrive que les nĂ©crologies se livrent Ă une description physique du disparu mais il apparaĂźt que, dans ce cas, cette description physique est presque systĂ©matiquement mise au service de la description de ses traits de caractĂšre, comme dans les exemples suivants 40 Sa haute stature, qui impressionnait autant quâelle fascinait, restait pour beaucoup un point de repĂšre dans le paysage sportif en mutation accĂ©lĂ©rĂ©e » LâHumanitĂ©, 30/05/06 p. 16 â Robert ParientĂ© ; 41 Kayano, qui impressionnait les Japonais par son physique de gĂ©ant, avait portĂ© sur ses Ă©paules la fiertĂ© dâune minoritĂ© ethnique » LibĂ©ration, 10/05/06 p. 12 â Shigeru Kayano. 44Dans ces deux exemples, la taille imposante nâest mentionnĂ©e quâen tant quâelle est mimĂ©tique du caractĂšre du personnage qui, justement, en impose. La mention de traits physiques peut aussi servir la description du caractĂšre dans lâautre sens lâapparence est alors mentionnĂ©e comme Ă©tant non plus en concordance avec le caractĂšre mais en contradiction avec lui. Câest un phĂ©nomĂšne que lâon retrouve dans toutes les nĂ©crologies consacrĂ©es Ă Raymond Devos, dont la corpulence est systĂ©matiquement Ă©voquĂ©e, mais prĂ©cisĂ©ment afin de pointer la discordance de cette derniĂšre avec la finesse de son art, comme dans les trois exemples suivants 42 Câest la premiĂšre fois que Devos, ce gros homme lĂ©ger comme une plume, ne fait pas rire son public » PrĂ©sent, 20/06/06 p. 2 â Raymond Devos ; 43 Trop gros le Devos ? Non, trop fin » 20minutes, 16/06/06 p. 28 â Raymond Devos ; 44 Fort de ses succĂšs, Devos ne cesse dĂšs lors de balader son gros quintal [âŠ] dâhumour et de finesse sur toutes les scĂšnes de la francophonie et dâailleurs » France Soir, 18/06/06 p. 20. 45Tous ces exemples sont traversĂ©s par des figures dâopposition â notamment lâoxymore gros homme lĂ©ger » ou lâantithĂšse Trop gros ? Non, trop fin » â, qui soulignent le dĂ©calage entre lâapparence et le caractĂšre de Raymond Devos. La description physique est ainsi Ă nouveau au service de la description morale qui prime dans les nĂ©crologies la corpulence de Raymond Devos disparaĂźtra aprĂšs sa mort, mais sa finesse, elle, continuera de nous accompagner tant que lâon se souviendra de son humour. 46LâĂ©tude des illustrations qui accompagnent la nĂ©crologie vient confirmer cette analyse. On peut dâabord noter leur raretĂ©, contrairement Ă ce qui se passe dans le genre du portrait de presse voisin de la nĂ©crologie par le contenu â description et biographie du personnage qui fait lâobjet de lâarticle, dans lequel lâarticle est systĂ©matiquement accompagnĂ© dâun portrait du personnage. Ainsi, lĂ encore, la reprĂ©sentation physique du disparu semble-t-elle secondaire. Mais raretĂ© ne veut pas dire absence il arrive que les nĂ©crologies soient illustrĂ©es. Toutefois, ce que lâon avait constatĂ© pour les reprĂ©sentations discursives du dĂ©funt se retrouve dans les reprĂ©sentations iconiques ce qui est reprĂ©sentĂ©, ce nâest pas le mort, ni mĂȘme le personnage au terme de sa vie, câest le personnage dans la force de lâĂąge, comme sur cette photographie dâAlida Valli qui illustre sa nĂ©crologie dans Le Monde. 45 Le Monde, 25/04/06 p. 33 â Alida Valli. 47Sur cette photographie, elle paraĂźt Ă©ternelle, telle une gravure de mode cette image-lĂ restera Ă lâabri de toute dĂ©chĂ©ance physique. Ainsi ce qui est reprĂ©sentĂ© dans les nĂ©crologies, que ce soit dans le texte ou dans lâimage, est ce qui ne meurt pas, ce qui ne peut pas ĂȘtre atteint par le dĂ©cĂšs. Dialogue avec le disparu 48Au-delĂ de cette postĂ©ritĂ© que le disparu a en quelque sorte créée tout seul, et que le journaliste se contente de reflĂ©ter, la nĂ©crologie vise Ă©galement Ă faire accĂ©der le dĂ©funt Ă une forme dâimmortalitĂ©. Nous avons vu que la mort est souvent dite par lâabsence, notamment par lâabsence de parole, que les nĂ©crologies rappellent frĂ©quemment. La nĂ©crologie vise prĂ©cisĂ©ment Ă combler ce vide, en dialoguant avec le disparu, comme nous lâavions dĂ©jĂ entraperçu dans lâanalyse de quelques exemples ci-dessus, notamment la nĂ©crologie de Georges-Paul Wagner, ou encore celle dâadg, dans lesquelles des indices iconiques et discursifs permettaient dĂ©jĂ de maintenir les relations entre le disparu et ceux qui restent. Un double mouvement sâinstaure alors, en vue de redonner au disparu le rĂŽle de partenaire de lâĂ©nonciation dont la mort lâa privĂ©, aussi bien comme allocutaire que comme locuteur. Le disparu est tout dâabord rĂ©intĂ©grĂ© dans son rĂŽle dâallocutaire, notamment par le biais de phĂ©nomĂšnes interpellatifs 46 Ă François⊠[âŠ] rappelle-toi du temps oĂč Claude Chabrol, lorsquâil avait terminĂ© un film, nous invitait tous les trois ses cocos » dans une gargote de bon aloi dont il avait le secret » LâHumanitĂ©, 15/05/06 p. 22 â François Maurin ; 47 Ă Dieu, Devos ! que votre verbe scintillant retentisse dĂ©sormais, par delĂ les Ă©toiles, au paradis des anges » PrĂ©sent, 17/06/06 p. 2 â Raymond Devos. 49Dans ces deux exemples, le disparu est interpellĂ© par le journaliste. Lâinterpellation est ici le procĂ©dĂ© qui permet de le faire passer du statut de non-personne Ă celui de personne. En effet, la non-personne, câest-Ă -dire la troisiĂšme personne grammaticale Benveniste, 1966 253, lorsquâelle est employĂ©e pour rĂ©fĂ©rer Ă un ĂȘtre humain, [...] le met en absence, instaure avec lui une distance importante, une rupture » DĂ©trie, Siblot, Verine, 2001 24. Lâinterpellation du disparu dans les nĂ©crologies permet de renverser ce mouvement et de mettre en prĂ©sence le disparu, de le re-prĂ©senter Hammer, 2010 ; Florea, 2010b. Ce mouvement trouve son pendant dans lâinstrumentalisation de la parole du disparu, que la nĂ©crologie fait accĂ©der au statut de locuteur, instaurant ainsi un vĂ©ritable dialogue avec lui. Ce dialogue fictif peut dâabord sâĂ©tablir entre le nĂ©crologue et le disparu, comme dans lâexemple suivant 48 Fort de ses succĂšs, Devos ne cesse dĂšs lors de balader son gros quintal â Jâaimerais ĂȘtre beau mais je hais les rĂ©gimes » â dâhumour et de finesse sur toutes les scĂšnes de la francophonie et dâailleurs » France Soir, 18/06/2006 p. 20 â Raymond Devos. 50Lâincise entre tirets est une citation du disparu quâil a rĂ©ellement prononcĂ©e, mais qui est ici recontextualisĂ©e pour donner la rĂ©plique au nĂ©crologue, ce qui entretient lâillusion de la prĂ©sence du dĂ©funt. Le dialogue peut Ă©galement sâĂ©tablir entre le disparu et le lecteur de la nĂ©crologie, comme dans cette nĂ©crologie dâun des derniers Poilus français 49 [LĂ©on Weil] devient alors [aprĂšs avoir Ă©tĂ© au front] reprĂ©sentant en vĂȘtements fĂ©minins. Eh oui, ce nâest pas parce que vous Ă©tiez allĂ© risquer votre vie quâon allait vous offrir Ă manger » La Croix, 08/06/06 p. 21 â LĂ©on Weil. 51La citation du disparu fonctionne de façon dialogique. Plus prĂ©cisĂ©ment, elle est une forme de dialogisme interlocutif anticipatif Bres, Mellet, 2009 le eh oui » qui introduit la citation montre quâil sâagit dâune rĂ©action Ă un discours autre. Or, ce discours autre ne peut pas ĂȘtre ce qui prĂ©cĂšde immĂ©diatement, puisquâil nây a pas de lien logique entre la parole du nĂ©crologue et celle du disparu. Ce eh oui » ne peut donc se comprendre quâen restituant une parole qui ne figure pas dans lâarticle, celle du lecteur, dont on peut imaginer la rĂ©action de surprise Ă la lecture du mĂ©tier de LĂ©on Weil. On peut en effet lui prĂȘter le discours suivant ReprĂ©sentant en vĂȘtements fĂ©minins ? ? ! », discours sur lequel rebondit la citation du disparu ici recontextualisĂ©e. La voix de lâallocutaire donc la nĂŽtre, Ă nous, lecteurs se laisse entendre dans les paroles du locuteur, ce qui donne lâimpression que câest Ă nous que parle le dĂ©funt. LĂ encore, un Ă©change sâĂ©tablit, mĂȘme si câest de maniĂšre implicite, et le disparu accĂšde Ă nouveau au statut de partenaire de lâĂ©nonciation. 52Parfois, le dĂ©funt nâest convoquĂ© que par le biais de sa voix en ajoutant des prĂ©cisions de description physique Ă la citation, et en contextualisant donc la parole, le journaliste donne vĂ©ritablement corps au disparu 50 Enfin, quel amoureux fou du français Ă travers les Ăąges n'aimerait pas l'Ă©rotisme et le XVIIIe siĂšcle ? Peut-ĂȘtre quelque pisse-froid dont je ne suis pas », aurait sans doute ri Jacques Cellard, l'Ćil malicieux derriĂšre la fumĂ©e de son cigare » Le Monde, 14/11/04 p. 19 â Jacques Cellard. 53La double modalisation au moyen du conditionnel et de lâadverbe sans doute » indique que la citation est imaginaire. Toutefois, le syntagme circonstanciel dĂ©tachĂ© lâĆil malicieux derriĂšre la fumĂ©e de son cigare » donne malgrĂ© tout des dĂ©tails sur lâattitude du locuteur, mĂȘme si la parole est imaginaire, ce qui rend la proximitĂ© dâautant plus tangible. 54Ce double mouvement rĂ©instauration du disparu dans son rĂŽle dâallocutaire et de locuteur trouve son aboutissement dans le recours Ă lâhyperstructure, un mode de prĂ©sentation original de lâarticle de presse qui rĂ©partit son contenu entre plusieurs modules textuels complĂ©mentaires, phĂ©nomĂšne dĂ©crit notamment par Gilles Lugrin 2000. Les nĂ©crologies se prĂ©sentent volontiers sous la forme dâhyperstructures, ce qui est significatif de la volontĂ© dâinstaurer un dialogue avec le disparu la dimension tabulaire de ce texte Florea, 2009 permet de tisser des liens entre les diffĂ©rents modules textuels, en les insĂ©rant dans une structure de dialogue. Ainsi, dans les nĂ©crologies hyperstructurelles, lâun des Ă©lĂ©ments de lâhyperstructure est-il gĂ©nĂ©ralement consacrĂ© Ă livrer la parole du mort de façon brute, sans mĂ©diation apparente par le journaliste, comme dans lâexemple suivant, oĂč la colonne gauche de la page de droite est une suite de citations de Raymond Devos, qui est donc mis sur le mĂȘme plan que les journalistes et que les diffĂ©rentes personnalitĂ©s qui lui rendent hommage articles du centre de la page de droite. La spatialitĂ© de la page et les relations qui sây tissent re-prĂ©sentent donc le dialogue qui se crĂ©e entre les diffĂ©rents membres de la communautĂ©. 51 LibĂ©ration, 16/06/06 pp. 3-4 â Raymond Devos. 8 Les guillemets manifestent que lâadĂ©quation entre le terme et la rĂ©alitĂ© Ă laquelle il rĂ©fĂšre ne v ... 55Plus rarement, le dialogue entre le journaliste, le disparu et les lecteurs peut Ă©galement sâinscrire, non plus dans lâespace celui de la page, mais dans le temps lorsquâil se tisse au fil des Ă©ditions quotidiennes successives. Parfois, la nĂ©crologie »8 dĂ©borde du moule traditionnel de lâarticle simple â voire de lâhyperstructure â dans lequel elle se glisse habituellement, pour sâĂ©taler sur plusieurs articles, qui se font Ă©cho les uns les autres au fil du temps qui passe aprĂšs le dĂ©cĂšs. Câest le cas pour la nĂ©crologie » que PrĂ©sent a consacrĂ©e Ă Georges-Paul Wagner lâun des fondateurs officieux du quotidien, qui regroupe des articles publiĂ©s sur cinq Ă©ditions diffĂ©rentes entre le 13 et le 20 juin 2006 le dĂ©cĂšs Ă©tant survenu le 11 juin. Nous avons dĂ©jĂ vu exemple 22 que cette nĂ©crologie ne se contentait pas dâannoncer la mort, mais quâelle mettait en scĂšne les vivants accompagnant le dĂ©funt vers lâau-delĂ . Lâanalyse de la textualitĂ© originale de cette nĂ©crologie complexe vient confirmer cette hypothĂšse. La nĂ©crologie y est Ă©clatĂ©e sur quatorze modules textuels distincts sans compter les annonces en Une, eux-mĂȘmes rĂ©partis sur trois hyperstructures dans les Ă©ditions des 13, 16 et 20 juin et deux articles isolĂ©s dans les Ă©ditions des 14 et 17 juin. Parmi ces nombreux modules, beaucoup sont constituĂ©s dâune ou plusieurs lettres, ce qui totalise treize lettres en tout. Ces lettres tissent un enchevĂȘtrement Ă©nonciatif original au sein duquel le journal, les lecteurs, le disparu, mais Ă©galement ses proches, dialoguent entre eux au fil des Ă©ditions qui scandent le temps du deuil, chacun Ă©tant tour Ă tour locuteur et allocutaire. En effet, Georges-Paul Wagner y est une fois locuteur et deux fois allocutaire, les lecteurs y sont huit fois locuteur et neuf fois allocutaire, les proches du disparu, cinq fois locuteur et deux fois allocutaire. Une sorte de nĂ©crologie Ă©pistolaire se met ainsi en place, chaque sĂ©quence de la nĂ©crologie traditionnelle annonce de la mort, rĂ©cit de la vie, hommage Ă©tant assurĂ©e par une ou plusieurs lettres. Câest par exemple le cas pour lâannonce de la mort 52 Chers amis de PrĂ©sent, jâai la tristesse de vous annoncer la mort de mon pĂšre, ce dimanche 11 juin 2006, Ă 11 heures » PrĂ©sent, 13/06/06 p. 1 â Georges-Paul Wagner. 56Le dĂ©but de cette lettre adressĂ©e par François Wagner â fils du dĂ©funt â au journal et aux lecteurs, prend la place de la sĂ©quence initiale classique de la nĂ©crologie visant Ă annoncer la mort. Au point de vue rĂ©fĂ©rentiel, les informations fournies sont identiques. Cependant, au point de vue Ă©nonciatif, les choses fonctionnent fort diffĂ©remment, puisque la mort dont il est question est une mort en deuxiĂšme personne JankĂ©lĂ©vitch, 1994 29, la mort dâun proche. Mais en plus dâassurer les fonctions traditionnelles de la nĂ©crologie, cette structure nĂ©crologique Ă©pistolaire met Ă©galement en scĂšne le deuil en train de se faire. En effet, la proximitĂ© nâexiste pas seulement entre les vivants et le mort, mais Ă©galement entre ceux qui restent, qui partagent leur peine et sont unis dans la douleur 53 Chers amis de PrĂ©sent, en rentrant de voyage, mardi soir, jâai trouvĂ© PrĂ©sent et appris le dĂ©cĂšs de Georges-Paul Wagner. Je mesure votre douleur et celle de toute votre Ă©quipe. Je voulais vous faire part de la mienne » PrĂ©sent, 20/06/06 p. 4 â Georges-Paul Wagner. 57De nombreux Ă©noncĂ©s de ce genre font Ă©cho au titre surplombant la premiĂšre hyperstructure du 13 juin Le mouvement national est en deuil ». Ce qui est reprĂ©sentĂ© dans cette nĂ©crologie originale, câest dâabord ce deuil vĂ©cu collectivement. Mais cette tristesse partagĂ©e permet aussi dâaccompagner le dĂ©funt vers lâau-delĂ , comme en tĂ©moignent les derniers mots de cette lettre adressĂ©e au dĂ©funt, publiĂ©e dans la derniĂšre Ă©dition que le journal lui consacre 54 Merci, cher gp et Ă Dieu, câest-Ă -dire, au revoir ! » PrĂ©sent, 20/06/06 p. 4 â Georges-Paul Wagner. 58Cette nĂ©crologie nâa pas un fonctionnement classique ; cela tient probablement, dâune part, au rĂŽle du dĂ©funt Georges-Paul Wagner faisait partie du journal dans lequel il publiait une tribune hebdomadaire et, dâautre part, au fait que PrĂ©sent fonctionne comme une contre-sociĂ©tĂ© militante il sâagit donc de saluer un frĂšre de combat. Toutefois, tout marginal quâil soit, le fonctionnement de cet ensemble dâarticles montre que la nĂ©crologie peut devenir un rite funĂ©raire Ă part entiĂšre, qui permet de retisser des liens entre les membres de la communautĂ© cette communion des vivants avec le mort, mais aussi de ceux qui restent entre eux, est ainsi reprĂ©sentĂ©e par le contenu comme par la forme quâadopte la nĂ©crologie qui met en scĂšne les liens entre les membres de la communautĂ©, que le dĂ©cĂšs de lâun dâentre eux ne suffit pas Ă rompre. Conclusion 59Dans les nĂ©crologies, la reprĂ©sentation se construit sur deux plans distincts on assiste Ă une premiĂšre forme de reprĂ©sentation qui met en scĂšne, selon des procĂ©dĂ©s trĂšs variĂ©s, une mort individuelle et la vie Ă laquelle elle met fin. La nĂ©crologie ne se contente toutefois pas de dire la mort tout en mettant en avant cette coupure irrĂ©mĂ©diable entre celui qui part et ceux qui restent, elle tente de tisser Ă nouveau des liens entre eux par le biais du discours. DĂšs lors, la nĂ©crologie se lit Ă©galement comme une re-prĂ©sentation du mort, une façon de le rendre prĂ©sent Ă nouveau, de le convoquer par le discours, et dans la forme mĂȘme quâadopte le discours, qui reconstruit au niveau textuel les relations entre les vivants et le mort. 60Ces phĂ©nomĂšnes de reprĂ©sentation, qui sâinscrivent dans les rituels destinĂ©s Ă surmonter un dĂ©cĂšs, ont une double fonction il sâagit en premier lieu de faire mĂ©moire au disparu, de lâaccompagner dans sa mort. En effet, la nĂ©crologie permet de se souvenir du dĂ©funt en Ă©voquant sa vie comme sa mort, non pas uniquement pour se remĂ©morer le passĂ©, mais pour le rendre prĂ©sent, en donnant corps Ă lâabsent. Mais la nĂ©crologie vise aussi Ă faire sociĂ©tĂ© pour les vivants, et ainsi Ă sâaccompagner soi-mĂȘme face Ă la mort. En perpĂ©tuant le souvenir du dĂ©funt au sein de la communautĂ© Ă laquelle il appartenait, on se projette dans sa propre mort, qui devient non plus une rupture irrĂ©mĂ©diable avec les vivants, mais une autre façon dâinteragir avec eux le lien social devient lien mĂ©moriel. Ainsi le travail du deuil permet-il de sâouvrir vers la vie qui continue. . 798 532 186 585 370 483 485 451